Hier,Le 1 Mai 2012, l’UGTT et le
parti au pouvoir Nahdha ont fêté la journée internationale des travailleurs au
centre ville. Vers midi, l’Avenue Habib
Bourguiba a vécu une scène inédite alors qu’elle était bourrée de manifestants
défilant avec des slogans différents voire contradictoires. Une trentaine de personnes traversent les foules de l’UGTT et de Nahdha
en dansant sous les rythmes de Mezouied. Personne ne semblait être intéressé
aux danseurs euphoriques qui continuent
leur chemin en direction de l’Avenue de Carthage, derrière le centre commercial
« Palmarium ».
« berrouh, bedam nefdik ya
houkouma » (âme et sang pour le gouvernement) c’est avec ce slogan,
choquant pour plusieurs, que la petite foule a continué son chemin en ignorant
les provocations des manifestants de l’UGTT (yezyou mel 9offa ! RCD
dégage ! ». Deux hommes affichent une grande banderole avec le
commentaire suivant « le syndicat des commerçants indépendants exprime sa
joie d’avoir le centre Espace Carthage ».
Les manifestants continuent à
danser en avançant vers un terrain vide (qui était le local de l'ancienne Société Tunisienne de Distribution) en pleine Avenue de Carthage. Sur place,
ils se font une petite scène avec deux
DJ équipés d’une console, d’un micro et de deux enceintes géantes de son. Les
manifestants continuent à danser sous les rythmes ascendants de la musique folklorique
tunisienne. Quelques passants les prennent en photo …
Ces « commerçants
indépendants » sont en réalité les marchants ambulants qui travaillent,
depuis des années, clandestinement dans les rues et ruelles de Tunis. Sur Charles
de Gaule, Bab Bahar, Avenue de Paris, Avenue Habib Bourguiba et Lafayette, ils
vendaient tout et n’importe quoi en
dépit du refus la municipalité et de la
police. Au début de la révolution, les marchants ambulants sont devenus plus
nombreux et ont envahie Tunis en profitant
d’un vide administratif et sécuritaire qui a duré quelques semaines. Pour
revendiquer leur droit au travail, 500 commerçants se sont organisés dans le
cadre d’un nouveau syndicat.
Après une année de sa création le
syndicat des commerçants indépendant a trouvé un compromis avec les autorités
locales. « Les négociations ont duré une année entre notre syndicat et le
gouvernement. Nous avons réussi à avoir cette terre gratuitement (l’ancien
local de la Société Tunisienne de Distribution). Le gouvernement s’engage aussi à construire le centre commercial et nous donnera chacun une boutique. »
Nous a expliqué Walid, un commerçant ambulant souvent basé à Charles de Gaule.
Le budget du projet est estimé à 5 milliards et
200 mille dinars. Le projet est dirigé par le Ministère du Développement Régionale,
le Ministère de l’Intérieur et le gouvernerat de Tunis. Sachant que l’accord des
autorités a été donné depuis l’année dernière, avant les élections de
l’Assemblée Constituante et la nomination du gouvernement islamiste.
« Nous ne sommes pas des
nahdhaouis. Nous somme juste contents et reconnaissants au gouvernement qui nous a permis d’avoir ce terrain et d’avoir des boutiques propres
à nous … nous avons suffisamment souffert de la clandestinité et de la
pauvreté» nous confie l’un des manifestants. Pourtant ses collègues ne cachent
pas leur appartenance politique en portant les logos de Nahdha sur le front ou aux épaules.
1er Mai 2012
Une autre banderole a attiré
notre attention. « Le nom : gauche, le métier : perturbateur,
date de décès : le 23 octobre… » c’est ce que nous pouvons lire sur
la banderole qui résume une grande hostilité à la gauche tunisienne. «
L’année dernière, le gouverneur de Tunis nous a menti, et a bloqué l’avancement
des travaux de construction du centre commercial ». nous a dit Walid pour
expliquer le sens de la banderole hostile à la gauche. Mais, le gouverneur Adel
Ben Hassen (qui a fortement contribué à la concrétisation du projet d’après des
sources médiatiques) n’a aucune relation ni de loin ni de près avec la gauche
tunisienne. D'ailleurs, certains l’accusent de faire partie du RCD mais jamais il n’était
proche de la gauche. « Je ne sais pas alors … je ne sais même pas c’est
quoi la gauche. » répond Walid à notre remarque.
Un jeune marchant s’approche de
nous et nous révèle « c’est pour faire plaisir au gouvernement islamiste
que nous avons fait cette banderole. La gauche a rien fait pour le pays. Par
contre Nahdha nous a sauvé la vie. Donc, nous avons choisi notre camps et nous
l’exprimons. N’est ce pas la liberté d’expression ? » Dit-il en
refusant de donner son nom.
1er Mai 2012
Comment Nahdha leur a
sauvé la vie ? Nous ne savons rien. Les syndicalistes refusent de donner une
réponse claire à cette question. Quelle était la contribution du parti dans la
concrétisation des revendications des marchants ambulants ? Et pour quelle
contrepartie ? Des questionnements qui restent sans réponses.
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