mercredi 2 mai 2012

Tunisie : « Rboukh » politique du 1 Mai à Tunis


Hier,Le 1 Mai 2012, l’UGTT et le parti au pouvoir Nahdha ont fêté la journée internationale des travailleurs au centre ville. Vers midi, l’Avenue Habib Bourguiba a vécu une scène inédite alors qu’elle était bourrée de manifestants défilant avec des slogans différents voire contradictoires. Une trentaine de personnes  traversent les foules de l’UGTT et de Nahdha en dansant sous les rythmes de Mezouied. Personne ne semblait être intéressé aux danseurs euphoriques  qui continuent leur chemin en direction de l’Avenue de Carthage, derrière le centre commercial « Palmarium ».

« berrouh, bedam nefdik ya houkouma » (âme et sang pour le gouvernement) c’est avec ce slogan, choquant pour plusieurs, que la petite foule a continué son chemin en ignorant les provocations des manifestants de l’UGTT (yezyou mel 9offa ! RCD dégage ! ». Deux hommes affichent une grande banderole avec le commentaire suivant « le syndicat des commerçants indépendants exprime sa joie d’avoir le centre Espace Carthage ». 

1er Mai 2012


Les manifestants continuent à danser en avançant vers un terrain vide (qui était le local de l'ancienne Société  Tunisienne de Distribution)  en pleine Avenue de Carthage. Sur place, ils se font  une petite scène avec deux DJ équipés d’une console, d’un micro et de deux enceintes géantes de son. Les manifestants continuent à danser sous les rythmes ascendants de la musique folklorique tunisienne. Quelques passants les prennent en photo …  

Ces « commerçants indépendants » sont en réalité les marchants ambulants qui travaillent, depuis des années, clandestinement dans les rues et ruelles de Tunis. Sur Charles de Gaule, Bab Bahar, Avenue de Paris, Avenue Habib Bourguiba et Lafayette, ils vendaient tout et n’importe quoi  en dépit du refus  la municipalité et de la police. Au début de la révolution, les marchants ambulants sont devenus plus nombreux et ont envahie Tunis en profitant  d’un vide administratif et sécuritaire qui a duré quelques semaines. Pour revendiquer leur droit au travail, 500 commerçants se sont organisés dans le cadre d’un nouveau syndicat.

Après une année de sa création le syndicat des commerçants indépendant a trouvé un compromis avec les autorités locales. « Les négociations ont duré une année entre notre syndicat et le gouvernement. Nous avons réussi à avoir cette terre gratuitement (l’ancien local de la Société Tunisienne de Distribution). Le gouvernement s’engage aussi à construire le centre commercial et nous donnera chacun une boutique. » Nous a expliqué Walid, un commerçant ambulant souvent basé à Charles de Gaule.  

Le budget du projet est estimé à 5 milliards et 200 mille dinars. Le projet est dirigé par le Ministère du Développement Régionale, le Ministère de l’Intérieur et le gouvernerat de Tunis. Sachant que l’accord des autorités a été donné depuis l’année dernière, avant les élections de l’Assemblée Constituante et la nomination du gouvernement islamiste.

« Nous ne sommes pas des nahdhaouis. Nous somme juste contents et reconnaissants au gouvernement  qui nous a permis d’avoir ce terrain et d’avoir des boutiques propres à nous … nous avons suffisamment souffert de la clandestinité et de la pauvreté» nous confie l’un des manifestants. Pourtant ses collègues ne cachent pas leur appartenance politique en portant les logos de Nahdha sur le front ou aux épaules.
1er Mai 2012

Une autre banderole a attiré notre attention. « Le nom : gauche, le métier : perturbateur, date de décès : le 23 octobre… » c’est ce que nous pouvons lire sur la banderole qui résume une grande hostilité à la gauche tunisienne. «  L’année dernière, le gouverneur de Tunis nous a menti, et a bloqué l’avancement des travaux de construction du centre commercial ». nous a dit Walid pour expliquer le sens de la banderole hostile à la gauche. Mais, le gouverneur Adel Ben Hassen (qui a fortement contribué à la concrétisation du projet d’après des sources médiatiques) n’a aucune relation ni de loin ni de près avec la gauche tunisienne. D'ailleurs, certains l’accusent de faire partie du RCD mais jamais il n’était proche de la gauche. « Je ne sais pas alors … je ne sais même pas c’est quoi la gauche. » répond Walid à notre remarque.

Un jeune marchant s’approche de nous et nous révèle «  c’est pour faire plaisir au gouvernement islamiste que nous avons fait cette banderole. La gauche a rien fait pour le pays. Par contre Nahdha nous a sauvé la vie. Donc, nous avons choisi notre camps et nous l’exprimons. N’est ce pas la liberté d’expression ? » Dit-il en refusant de donner son nom.

1er Mai 2012


Comment Nahdha leur a sauvé la vie ? Nous ne savons rien. Les syndicalistes refusent de donner une réponse claire à cette question. Quelle était la contribution du parti dans la concrétisation des revendications des marchants ambulants ? Et pour quelle contrepartie ? Des questionnements qui restent sans réponses.