samedi 31 décembre 2011

Elle ne sait pas comment guérir ses cicatrices

«  C’est ton frère, il est en train de t’éduquer, il a le droit de te battre ».
Dit la maman à sa fille, qui fonce sa tête entre ses deux jambes bleutées par les coups de pieds de son frère ainé. Une honte, une colère, une tristesse, une culpabilité, une confusion et une douleur … plusieurs sentiments s’acharnent sur les petits cœurs des fillettes qui deviennent des femmes et des mamans et qui à force de s’habituer répètent, des années plus tard, la même phrase à leurs filles … 
«  C’est ton frère, il est en train de t’éduquer, il a le droit de te battre ».

Cette phrase l’a accompagné durant des années comme toutes les fiellettes. Enfant, puis adolescente, elle a appris à s’incliner à cette autorité misogyne et agressive. C’était souvent cette phrase qu’elle entendait, à chaque fois, que son frère ainé, l’agresse. Enfermée dans sa chambre, elle entendait les injures de son frère et les pleurs de sa mère le suppliant de la laisser tranquille …
Au fil du temps, la timide adolescente apprend à affronter son agresseur et à se révolter. Le combat a duré des années et a pris fin avec une rupture définitive.  Une rupture qui met terme au conflit mais qui n’apaise pas les douleurs.
En partageant son expérience avec d’autres femmes soit sur des réseaux sociaux ou dans la vie réelle, elle a réalisé que son expérience n’est pas le cas de la majorité des femmes dans son pays … mais son histoire ne s’arrête pas ici … elle vient tout juste de commencer…
Il y a cinq ans de ça. C’était un dimanche quand réunis autour du petit déjeuner, la tension monte entre elle et son frère ainé. Mais, cette fois, au lieu de recevoir des coups, elle a décidé de les donner pour se défendre … son sentiment de fierté, de confort, de soulagement et de joie n’était qu’un début d’un long trébuchement dans sa mémoire.
Après quelques mois, saoulés de cauchemars et d’insomnie, elle a retrouvé les premiers bouts de la boite noire : inceste et harcèlement sexuel.
Le choc était énorme. Et la boite noire de sa mémoire a commencé à s’ouvrir sur des images terrifiantes… répétitives et mélangées par des odeurs dégoutantes collées à sa peau éternellement.
A ce moment elle a réalisé qu’un démon pèse sur son ventre.  
Et elle commence alors à comprendre sa haine envers son corps. Et elle commence aussi à trouver des explications aux échecs de ses relations avec l’autre sexe. Oublier était trop difficile pour elle et parler était aussi impossible que sa guérissant.
L’insomnie et les crises d’angoisse se transforment en dépression puis en tentative de suicide échouée miraculeusement. Mais son histoire vient tout juste de commencer …
Après un rétablissement physique, elle avait des comptes à rendre pour des parents inquiets et totalement confus. Les tests de grossess e négatifs et de virginité positifs n’ont ramené aucune explication. La situation s’est encore plus aggravée avec la présence permanente de son frère. Une présence qu’est devenue insupportable et douloureuse. Son arrogance n’a fait que nourrire les désires de la jeune fille de s’éclipser définitivement de la vie …
Mais tout d’un coup, son instinct de survie a tranché. Il a, en plus, transformé ses sentiments de culpabilité et de honte en une haine et un désir de vengeance irrésistibles. Et c’est à ce moment qu’elle a décidé de partager les remords et la souffrance avec ses parents. Punition faite mais n’a toujours pas concernée son agresseur.
Il est difficile dans sa société de gérer l’inceste. Tâcher éternellement la réputation d’une famille, détruire l’avenir d’une sœur ou d’un petit frère, provoquer une crise cardiaque d’un père ou d’une mère … des lourdes et fatales conséquences difficiles à assumer.
Après mure réflexion, elle se décide « Je troquerais ma liberté contre mon silence» dit-t-elle à sa famille. La peur, la honte et la culpabilité ont changé de camps …
Entre temps, sa douleur ne s’est pas apaisée. Comment pourra-t-elle guérir ses cicatrices ? comment pourra-t-elle tuer la douleur ?



                                                                                                                                (source: rapport ATFD)