vendredi 4 novembre 2011

Tunisie: peur d'assumer la liberté de l'Autre

 



j’étais obligée d’y aller.. Je n’étais pas contente du tout, mais travail oblige, je me suis retrouvée, encore une fois, engloutie par ces parfums arrogants et entourée par ces jupes excitantes. l'espace était archi-plein par des femmes ... C’était la réunion du syndicat des enseignants universitaires, tenue mercredi 2 novembre, à la cité des sciences à Tunis. 

Le sujet de discussion portait sur les agressions qu’ont subit, dernièrement, quelques enseignantes et étudiantes par des « islamistes ». La salle était étouffante et on n’arrivait même pas à  entendre les témoignages et discours des protagonistes. Entourée par des visages inquiets et des regards incertains, j’ai discuté avec des copines de confiance. « Je suis scandalisée par ce qui se passe ! En plus, ils nous disent « dégage ! » … de quel droit ?!! » Me dit une amie furieuse de rage. 

Moi aussi j’étais furieuse. Non seulement à cause de la violence des supposés « islamistes » mais aussi à cause de cette démarche stupide et lâche qu’a choisi la femme présumée « moderniste » dans sa lutte féministe. Je ne parle pas de cette réunion syndicaliste, tout à fait légitime à mes yeux. Je parle plutôt de la manifestation féministe devant la Kasbah (qui s’est déroulée le même jour) et qui a permis à trois femmes de rencontrer le gouvernement provisoire et les grandes forces politiques dans le pays.  

Aller supplier le Beji Caid Sebsi et Ghannouchi au premier ministère concernant le maintien du code du statut personnel est à mes yeux, la preuve la plus concrète et tranchante de la défaillance de la vision et approche politique et militante des modernistes en Tunisie. 

Cette politique de « Mounachada » et de « Sidi Flen a9dhili 7ajti » me rend malade. Et je suis de plus en plus persuadée que la problématique est essentiellement générationnelle. Nous les jeunes, nous avons la Rue, le Peuple (comme nous l’avons montré lors de la Kasbah 2 et autres manifestations et sit in..), seul pouvoir véritablement légitime et fort après le 14 Janvier. Eux, les vieux, ont les concessions, les négociations  en huit clos et la soumission au plus fort qu’il soit national ou étranger … peu importe ! L’essentiel est de garder son petit confort et à moindre coût. 

Ce sont eux qui étaient contents sous la dictature de Ben Ali. Ce sont eux qui ont troqué la pseudo-liberté personnelle contre une vraie démocratie à l’époque de Bourguiba. Ce sont eux qui se sont contentés d’un minimum ridicule de confort intellectuel très centralisé… 

le pire est que ces vieux (et aussi vielles) n'arrivent pas à se détacher de leur soumission héritée à la dictature. 

Mon indignation s’est transformée en révolte quand le soir même, ces enseignantes universitaires, ont gardé leurs visages en hors champs de la caméra de la chaîne nationale. Louche ! Stupide ! Lâche ! Je ne trouve même pas les mots pour exprimer ma déception … et je pense que ça ne sert à rien de commenter encore plus cette affaire. 

Cependant, je tiens à donner un seul conseil à ceux et celles qui prétendent êtres défenseurs de la liberté : « brabbi !! Si vous avez peur à ce point ! brabbi, prenez la retraite! Restez chez vous ! Émigrés à un pays démocratique !  Faites autre chose dans votre vie !! … arrêtez de pleurnicher et demander l’aide en refusant même d’assumer pleinement un témoignage !! ce que vous faites vous fera plus du mal que du bien ...  ». 

Et pour les autres, celles qui sont contentes de la liberté de la fille voilée et cagoulée dans les universités, je leur dit que la liberté n’est pas seulement une entité ou une qualité. La liberté n’est pas un bloc que nous avons ou que nous n’avons pas. La liberté est bien un résultat qui mérite un exercice continu et assidu sur l’individualité et le rejet de l’autorité sur l’autre. 

Et pour être plus concrète, je cite un épisode de mon vécu. Une expérience qui a duré quelques années à la faculté avec ces nouvelles libertaires voilées. En fait, j’étais parmi les rares qui défendaient à l’époque de Ben Ali, la fille voilée à ma faculté. J’ai écrit un rapport pour dénoncer un enseignant (rcdiste) qui a harcelé et insulté une étudiante voilée pendant ses cours. J’ai défendu le projet d’un film sur les voilées fortement controversé et discrédité par des étudiants rcdistes pendant un cours d’audiovisuel (qui nous demande de faire un court métrage en fin d’année), j’ai refusé de passer un examen quand le directeur de la faculté a interdit des filles voilées de passer le même examen.

et vous savez qu'elle était la réaction de ces pauvres petites soumises? « Arrête de te rallier à nous ! Tu nous tâche la réputation avec tes cheveux bouclés et ton comportement de garçon manqué … ». 

Malheureusement pour elles, moi qui n’a jamais défendu les personnes mais plutôt et uniquement les principes, je n’étais pas déçue ou humiliée. Cette expérience m’a permis de tirer des conclusions… et de faire la différence entre libertaire et libre. 

En effet, un libertaire, sans connaissances, linguistiques, est-il libre de parler chinois ? Non ! Il n’aura cette liberté que lorsqu’il aura appris la langue et ses règles de grammaire et de conjugaison. 

Ainsi, nous devons, donc, lutter contre l’autorité qui nous empêche de développer nos compétences linguistiques ou qui détient les dictionnaires. Pour avoir la liberté de parler chinois, nous devons avoir la puissance de savoir et la puissance d’avoir un dictionnaire à notre disposition. 

La liberté est une force qu’il faut savoir développer en son individu ; nul ne peut l’accorder (même pas BCE ou Ghanouchi :p).


1 commentaire:

  1. très bonne analyse, je partage cette idée que la liberté est une discipline individuelle à exercer quotidiennement

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