mardi 24 mai 2011

Comment devenir journaliste … mercenaire ?


La méthode est très simple. Vous n’aurez pas besoin d’un diplôme, ni d’une carrière, ni même de technique rédactionnelle compliquée (investigation ou travail de terrain). Vous n’aurez pas besoin d’une dignité, ni de conscience, ni d'une cause à défendre. Vous n’aurez jamais besoin d’une belle plume, ni d'une réflexion profonde, ni d'une logique cohérente dans ce que vous allez écrire …
Il suffit de vous engager pour défendre un seul point de vue, imposé par des patrons qui vous dictent une ligne de conduite à suivre (si vous êtes un blogueur, au lieu du patron vous trouverez un clan). C’est très simple ! Ils vous donneront les arguments, les adjectifs, les descriptifs, les insultes et bien sur les conclusions et les leçons à tirer. Ils vous donneront aussi les photos, les vidéos et les témoignages (mais ce n'est pas grave s'il n'y pas de preuves sur ce que vous dites). Et le plus important, ils vous offriront aussi la crédibilité et la légitimité absolue pour les soutenir comme des vrais journalistes dignes du grade « mercenaire».
Plus concrètement, pour devenir journaliste … mercenaire, vous devez faire partie d’un des lobbies maffieux qui seraient derrière la compagne de dénigrement orchestrée injustement contre la révolution tunisienne (ou ces protagonistes). Les arguments ? C’est simple : un cocktail des faits divers (violence, meurtres, braquages, viols …) avec des interviews de spécialistes qui expliquent le chaos économique, et quelques déclarations officielles de menace (armée, gouvernement provisoire, ATI, Ministère de l’Intérieur) sans oublier quelques photos des barbus et des locaux luxueux de Nahdha.
Un journaliste mercenaire ne doit pas trop se casser sa tête d’oiseau pour trouver la vérité. Car elle ne sort que de la bouche du pouvoir en place. S’il est provisoire, vous devez le soutenir sans réfléchir … qui sait ?!! L’histoire de notre pays prouve que le provisoire peut facilement devenir permanent à jamais …
Après, il ne vous restera que de choisir un journal ou un média pour vous accueillir. ATTENTION : vous devez choisir un média du Palais ! Et pas n’importe quel média … il ne doit vivre qu’aux dépens et au bon vouloir du « prince ».
Ne vous inquiétez pas, la tâche est facile. Car, comme vous le savez, la presse mercenaire est en vogue, dans notre pays. Il n’est pas plus facile que de trouver les journaux du Palais, champions du monde de l’intoxication et de l’extrapolation. Vous devez juste faire vos preuves pour être embaucher.  

Si vous êtes blogueur (se), il serait donc plus facile de profiter de votre "liberté de pensée" afin d'"enquêter" sans arguments ni preuves, ni la moindre précision sur les "vraies questions" de la révolution. 
Ce petit manuel vous sera utile si vous accepterez, bien sur, d’arrêtez votre cerveau, durant, seulement, une vie.
 « Journaliste mercenaire : rien n’est impossible ! Il faut juste y croire »
Bonne carrière à toutes et à tous ! 



lundi 9 mai 2011

Pourquoi BCE ne m’a pas convaincu ?


Pourquoi BCE ne m’a pas convaincu ?
Alors que la Tunisie se prépare à ses premières élections démocratiques, la rue renoue avec les revendications. Une série de vidéos de l’ancien ministre de l’intérieur et juge, Farhat Rajhi, a laissé le gouvernement provisoire, seul, face à des révélations dangereuses montrant du doigt des complots, une manipulation et des mensonges …
Après un silence qui a duré trois jours, le Premier Ministre fait son apparition avec trois journalistes qui représentent la chaîne nationale et les deux chaînes privées Nessma TV et Hannibal TV. La réaction du peuple est mitigée entre ceux qui sont convaincus et ceux qui ne le sont pas. Je fais partie de ceux que Mr BCE les a provoqué par ses propos flous, et à la limite irresponsables.

Je commence par la visite de Rchid Ammar au Quatar. Le Premier Ministre trouve normal et légitime qu’un haut responsable de l’armée négocie des contrats de travail et cherche des solutions au chômage alors qu’un ministre du développement régional  annule ses visites dans les régions et ne trouve pas un budget adéquat à ses projets « provisoires ».
Et les journalistes oublient de poser la question suivante : de quel droit, Rechid Ammar intervient dans des affaires économiques alors qu’il y a une guerre non déclarée sur les frontières tuniso-libyennes ?
Le première ministre ne m’a pas convaincu quand il a cherché des excuses à son Ministère de l’Intérieur. Il détourne la question, encore une fois, et ne parle que des journalistes agressés. Ces derniers, pour lui, ils se contenteront d’une simple lettre d’excuse. Et le reste des manifestants ? Ils sont, d’après BCE, des fouteurs de troubles qui agressent la police… sans commentaire.
BCE m’a vraiment déçu lorsqu’il a commencé à menacer le peuple. Sécurité ou liberté ? Démocratie ou économie ? Des élections ou des manifestations ? Cette politique de chantage n’est pas digne d’un gouvernement provisoire qui a promis à un peuple révolté de mener à bien sa révolution.
Les liens que le gouvernement et médias font entre sécurité et liberté sont erronés. Car pour instaurer la sécurité, il faut instaurer la confiance. Pour garder la sécurité des citoyens et des biens, la police doit faire correctement son travail … est ce que ma liberté d’expression est la raison pour laquelle des casseurs ont trouvé le champ libre à des actes de crimes ? Ou est ce que l’absence des policiers centralisés sur l’Avenue Habib Bourguiba en est la raison ? la réponse est évidente mais malheureusement pas pour tout le monde…
Béji Caid Essebsi a parlé des élections. Sachant que le Premier ministre sait depuis des mois que la date prévue est très prématurée, il continue à promettre de les maintenir. Il insiste, par ailleurs, que si la date ne serait pas respectée, ça ne sera pas de sa faute mais celle de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de réforme politique et de transition démocratique. Cette dernière, selon lui, a pris énormément de temps à discuter le code électorale.
Et là, aucun journaliste n’a eu la présence d’esprit pour d’objecter par une précision très nécessaire : la haute instance a pris deux semaines uniquement pour voter le code électoral. Alors que le gouvernement provisoire prend, jusqu’à là, plus qu’un mois et deux semaines pour officialiser le code. Dans cette affaire, deux questions s’imposent : pourquoi tout ce temps pour promulguer le code électorale ? Pourquoi accuser directement et sans fondement logique la haute instance de bloquer les élections ?
Mais j’ai oublié de parler de l’affaire Farhat Rajhi. Même si je comprend la colère de BCE contre ce petit ministre qui a grillé le gouvernement, l’armée et les amis proches du pouvoir, je ne peux pas tolérer les insultes du Premier Ministre. Traiter Rajhi par tous les noms me semble irresponsable. Et je ne comprends pas comment ni pourquoi un haut responsable se permet ce qu’il interdit aux autres. Car si le PM se tolère la diffamation et la bassesse dans son discours, qu’attendons nous alors des autres responsables, des médias, des partis politiques ou encore de la rue ?
Finalement Béji Caid Essebsi n’a pas réussi à assumer ses promesses. Il a échoué à défendre le prestige de l’Etat et n’arrive même pas à écouter le peuple tunisien. A quand une vraie rupture avec le passé ? à quand des élections libres qui mettront fin à tout ce flou, ces injustices et ce vide ??

samedi 7 mai 2011

Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l'Intérieur Lahbib Essid



Monsieur le Ministre,

Vous n'êtes pas sans savoir que la Révolution du 14 janvier avait pour principal objectif de rompre avec l'ancien régime et ses symboles, objectif en dépit duquel nous avons accepté votre nomination à la tête d'un ministère dont la mémoire populaire ne retient que les pires images et souvenirs. Et nous nous sommes tus tout en sachant que vous y avez occupé plusieurs postes à l'ère du président déchu, dont le poste de chef de cabinet sur une période non négligeable.

Monsieur le Ministre,

Vous n'êtes certainement pas sans savoir que le peuple Tunisien, qui a sacrifié plus de deux cents martyrs, n'acceptera jamais qu'on piétine sa dignité à nouveau, peuple Tunisien qui s'est soulevé pour la liberté, la dignité et la justice.

Monsieur le Ministre,

Nous vous adressons cette lettre suite aux incidents du vendredi 6 mai s'étant produits au centre ville de la capitale et suite au communiqué de votre ministère, communiqué dont la forme et le contenu ne diffèrent en rien des communiqués du Ministère de l'Intérieur de l'ère du président déchu.

Monsieur le Ministre,
Vous avez déclaré dans votre communiqué que les actes commis par vos agents « cagoulés », actes d'une extrême violence physique et morale dont ont été victimes nombreux citoyens et journalistes, n'étaient qu'une erreur non voulue et qu'une enquête sera ouverte à cet effet.
Et nous nous demandons, cher Monsieur, si l'agression d'une femme par vos agents, à coups de pieds et de matraques, devant les objectifs des caméras, constitue une erreur non voulue ?
Et nous nous demandons, cher Monsieur, si la poursuite du journaliste Abdelfateh Bel Aid de la part de vos agents, son agression avec une barre métallique, la confiscation de ses outils de travail et les insultes auxquelles il a eu droit, constituent une erreur non voulue pouvant s'inscrire dans le cadre des erreurs que nous pouvons pardonner ?
Nous nous demandons si l'agression de 14 journalistes (oui 14 journalistes !!!) malgré la présentation de leurs cartes de presse constitue une erreur non voulue ?
Nous nous demandons si l'intrusion agressive de vos agents au sein du siège du département d'études de l'UGTT à l'avenue Carthage constitue une erreur non voulue ?

Monsieur le Ministre,
Vous n'avez cessé de dénoncer la violence et nous vous avons soutenu, sauf qu'en ce vendredi 6 mai 2011, vos agents ont été à la source de la violence, de la sauvagerie et de la barbarie... Une violence menée par des agents cagoulés appartenant à votre ministère... Et nous ignorons toujours, cher Monsieur, les raisons qui pourraient justifier qu'un agent appartenant à votre ministère - agent qui ne fait qu'appliquer les ordres et dont la mission exclusive est de maintenir l'ordre et de garantir la sécurité du citoyen – porte une cagoule empêchant de le reconnaître et empêchant le citoyen victime d'agression et de violence de connaître l'identité de son agresseur et de le poursuivre en justice ?

Monsieur le Ministre,
Nous avons vu au centre ville en ce vendredi 6 mai 2011 un nombre impressionnant de vos agents dont la mission était de disperser une manifestation pacifique à laquelle ont participé quelques centaines de citoyens alors que nous n'avons pas vu le quart de ce nombre pour garder et protéger les prisons desquelles s'évadent quotidiennement des dizaines de détenus ou pour protéger les établissements publics incendiés régulièrement par des entités contre révolutionnaires... Et nous nous demandons, cher Monsieur, si imposer le prestige de l'État passe uniquement par la répression des citoyens en les privant de leur droit à manifester pacifiquement ?

Monsieur le Ministre,
Le traitement sécuritaire et répressif des affaires politiques et intellectuelles figurent parmi les premières causes de cette Révolution et de la colère du peuple face au régime du président déchu et il nous paraît aujourd'hui que votre ministère continue à exercer ses missions de la même manière. Ce qui s'est passé en ce vendredi 6 mai 2011 n'est pas le premier incident enregistré depuis que vous êtes à la tête du ministère de l'intérieur mais un scénario qui s'est produit à plusieurs reprises et à des degrés différents chaque fois que les jeunes sont sortis dans les rues avec pour seules armes une voix retentissante et un cœur rempli d'amour pour cette patrie.

Monsieur le Ministre,
Nous vous prions d'excuser notre franchise mais nous vous demandons d'assumer vos responsabilités face au peuple et à la patrie et nous vous demandons clairement, tout comme nous l'avons demandé au président déchu : Partez !

mardi 3 mai 2011

"Ettounsi" et la liberté d'expression (hommage à Zouheir Yahyaoui)

aujurd'hui, le 3 mai, est la journée internationale de la liberté de la presse. après le 14 janiver, la Tunisie et ses journalistes auront dû fêter cette journée avec fierté ... hélas, ce n'est pas le cas. car c'est avec amertume que nous vivons cette journée. c'est avec inquiètude que nous regardons la liberté de la presse, auujourd'hui, pas seulement en Tunisie mais dans le monde entier ...

ce matin, avant même de prendre mon petit café, je reçois un coup de téléphone de la part un ami. il me demande gentillement de supprimer une vidéo à lui que j'ai filmé et publié hier soir ... "j'ai eu des graves problèmes avec des gens importants" me dit-il et j'ai pas insisté ... par lacheté ou par amitié ou par respect ... je ne sais pas trop, mais j'ai cédé à sa demande ...

il décroche, et je me rappel que je suis journaliste, normalement ... que j'ai le droit de dire et de filmer ce que je veux ... je me rappel aussi qu'aujourd'hui est la journée internationale de la liberté de la presse ... quelle ironie! elle démarre bien ma journée!

cependant et malgré tout, je vais célébrer cette journée. cette célébration sera un hommage à Zouheir Yahyaoui. mort le 13 mars 2005, il est et il restera toujours le symbole de la liberté d'expression en Tunisie. syberactiviste sous le nom de "Ettounsi" sur le site "TUNeZINE", cet homme nous a donné une leçon de patience, de pertinence, de militantisme et de sincérité... il passe deux ans à la prison de Borj El Roumi sous la torture et l'humiliation ...

rien qu'en lisant ses articles, vous pourrez retracer l'univers de Zouheir. un univers de souffrance mais aussi de principes et de sagesse.
je pense que si Zouheir était parmi nous, dans cette "nouvelle Tunisie", il sera encore plus révolté ou déçu de nos journalistes qui s'attachent toujours à leurs petits salaires de merde, à leurs petites personnes et à leur stabilité sociale futile ...

en essayant de faire le bilan de quelques années de travail dans ce domaine, un seul sentiment me prend: la honte!

un article de Zouheir Yahyaoui: "Ettounsi"

Zouheir Yahyaoui a sacrifié sa vie pour une seule cause: la liberté d'expression. qu'avons nous fait pour cette cause? qu'avons nous fait pour nous libérer de ce système d'information pourri? méritons nous vraiment cette breche de liberté que le peuple tunisien nous a offert le 14 janvier??

j'espère que nos journalistes prennent la peine de penser à ces questions ... bien que je doute bien que ça sera le cas.